Robert RIUS
Robert Rius est né à Château-Roussillon, un hameau de Perpignan, le 25 février 1914. Il passe son enfance à la campagne jusqu'au décès de son père en 1918. Elève au Collège Jésuite de Saint-Louis de Gonzague, il s’associe, avec le peintre Espinouze et Charles Trenet, aux fameuses frasques de la "bande à Bausil". En 1928, il est renvoyé du collège. D'autres institutions l'excluent. Ses ennuis s'aggravent avec l'insoumission au service militaire.
Rius s'installe alors progressivement à Paris entre 1932 et 1935. Il travaille comme affichiste pour l'éditeur Armand Colin et rédige des chroniques pour des journaux du sud. Au moment du Front populaire et de la Guerre d'Espagne, il s’implique dans des activités militantes et peut-être jusque dans les Brigades Internationales.
On date son entrée au Groupe Surréaliste aux alentours de 1937. En 1938, Rius participe à la création de la Fédération pour un art révolutionnaire et indépendant (F.I.A.R.I). On retrouve son nom au bas de tous les tracts de cette période. Avec le peintre Yves Tanguy et André Breton, il anime la Galerie Gradiva. Mais c'est un cuisant échec, tout comme l'exposition Internationale, chez Wildenstein. La « dèche » est terrible pour les membres du Groupe surréaliste. Rius survit grâce au courtage de livres et de tableaux. Il se retrouve même quelques semaines en prison pour avoir aidé son ami Roberto Matta, à déménager « à la cloche de bois ».
Au moment de la Débâcle, le poète soutient ses amis dans leur exode vers le sud. Ils séjournent à la villa Crépuscule, à Canet-Plage, près de Perpignan, et font de fréquents séjours dans la région de Marseille, où Breton s'est finalement réfugié. En 1941, c'est au Château d'Air Bel, que les surréalistes, candidats au départ, se retrouvent. Robert Rius leur rend visite, mais il a pris la décision, avec d'autres, de rester. Son amour pour Laurence Iché (qu'il épousera en juin), fille d'un artiste résistant (le sculpteur René Iché) de la première heure, n'est peut-être pas étranger à cette décision.
Depuis son nouveau domicile du square Delormel à Paris, il maquette alors clandestinement le premier numéro d'une revue surréaliste : La Main à plume. Participent à cette aventure toutes les bonnes volontés : des anciens des groupes surréalistes belge, suisse, catalan et français, des ex-Réverbères (comme Marc Patin) et des éléments de renfort difficiles à cataloguer. En mai, le premier numéro, éponyme est publié, sans la signature des auteurs.
En 1942, il rejoint la Résistance et travaille avec application à la série des Pages libres de La Main à plume, dont le format permet d'éviter la censure. À l'automne, grâce au soutien de Londres, le groupe publie Poésie et vérité 1942, de Paul Éluard ; une opération qui lui apporte une notoriété considérable. Au printemps 1943, le manque de papier conduit au rapprochement avec deux autres revues : Les Feuillets du 81 et Les Cahiers de poésie. On y retrouve alors plusieurs poèmes et un savoureux Essai d'un dictionnaire exact de la langue française signés R. Rius.
Pendant l'hiver 1943-1944, le poète se cache autour de Paris. Il termine son Picasso, Tutemps et réuni le dossier consacré à L'Objet. Mais ces deux derniers recueils ne paraîtront jamais. Le poète a su prendre le risque ultime. Maquisard depuis février au sud de Paris, il est réaffecté en juin à une unité en constitution sous commandement de l'État-major FTP. Il est rejoint par plusieurs membres de La Main à plume, dont deux de ses amis clandestins : Jean Simonpoli, directeur des Cahiers de Poésie et Marco Ménégoz, très jeune poète issu des Feuillets du 81.
Chargés de récupérer des armes destinées à libérer Paris, les trois hommes sont arrêtés sur dénonciation, le 4 juillet 1944 à Ury. Robert Rius et ses deux compagnons sont alors incarcérés à la prison de Fontainebleau, sauvagement torturés, ils sont exécutés le 21 juillet dans la plaine de Chanfroy avec une vingtaine d'autres Résistants.
Robert Rius a été évoqué pour la première fois dans Les HSE, au sein du dossier « Marc Patin et le surréalisme » (n°17/18, 3ème série, 2004). Il a été présenté (par Rose-Hélène Iché) et publié dans la rubrique « La Mémoire, la poésie », dans Les HSE n°20, 3ème série, 2005.
À lire : Robert Rius, poète surréaliste, Cahiers Robert Rius n°1 (AMRR, Les Hommes sans Epaules, 2010), Picasso (Pages libres de La Main à plume, 1944), Serrures en friches (Pages libres de La Main à plume, 1943), Frappe de l’Echo (éd. Surréalistes, 1940).
Christophe DAUPHIN
(Revue Les Hommes sans Épaules).
Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules
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Dossier : Léo MALET & Yves MARTIN, la rue, Paris, la poésie et le Merveilleux, n° 20 | Dossier : JORGE CAMACHO chercheur d'or n° 23 |
Publié(e) dans le catalogue des Hommes sans épaules
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Robert Rius, poète surréaliste |